Erreurs du parieur


L'erreur du parieur est une erreur mathématique, provenant d'une mauvaise utilisation des lois mathématiques: statistiques et probabilités, plus précisément loi des grands nombres et indépendance des événements aléatoires.
Ce type d'erreur s'appelle aussi le "sophisme du parieur". Un sophisme est une argumentation (un procédé rhétorique) à la logique fallacieuse, c'est-à-dire qui à l'apparence d'une argumentation précise et rigoureuse mais qui est en réalité erronnée: on ne se fait pas avoir pour rien non plus !
Il peut donc apparaître normal d'être "victime" de ce type d'erreur du parieur, de se faire avoir, car le raisonnement semble clairement, en apparence, logique et mathématique. Pourtant donc, un parieur sérieux et connaisseur doit être en mesure de déjouer ce type d'erreur.
Dans cette page, nous faisons le tour de la question: quelles sont ces erreurs et leurs explications ? et surtout, enfin, comment les déjouer ?




Sophisme du parieur ou erreur du parieur

Comme nous allons le voir, il existe plusieurs erreurs, ou biais, qui doivent inquiéter les parieurs. Parmi toutes celles-ci, le "sophisme du parieur" ou "erreur du parieur" désigne spécifiquement une erreur de logique, de raisonnement, qui consiste à croire que des tirages passés influent sur les tirages à venir.

Par exemple, j'ai lancé une pièce 100 fois et j'ai obtenu "beaucoup plus" de Pile que de Face. "Beaucoup plus" signifie bien sûr ici, beaucoup plus que 50/50. Par exemple j'ai obtenu 60 fois Pile. Alors je m'attends à obetnir plus de fois Face dans les prochains lancers "pour compenser"
Ce raisonnement comporte en fait deux erreurs: une mauvaise utilisation de la loi des grands nombres et une mauvaise compréhension de l'indépendance des résultats. Nous allons discuter de ces deux éléments mathématiques.

Sur la probabilité d'une nouvelle occurence d'un événement déjà trop fréquent

Imaginons donc que j'ai lancé ma pièce 10 fois et j'ai obtenu 10 fois Pile. Quelle est la probabilité d'obtenir encore maintenant Pile ?
En supposant cette pièce bien équilibrée, cette probabilité d'obtenir maintenant une fois de plus Pile est de
0,510×0,5 = 0,511 = 1/2048
soit moins de 0,05%. Cette probabilité est effectivement très faible et ne donne vraiment pas envie de miser !
Pourtant…
Là réside exactement un des aspects de cette fameuse erreur du parieur ou sophisme du parieur. En effet, après avoir obtenu 10 fois Pile, quelle est alors au contraire la probabilité d'obtenir maintenant Face ? Cette probabilité est aussi de
0,510×0,5 = 0,511 = 1/2048 ≃ 0,05%
qui est donc tout aussi faible que l'autre, mais surtout qui lui est égale !

En résumé, après avoir obtenu 10 fois Pile sur mes 10 lancers, les probabilités d'obtenir Pile ou Face sont très faibles et égales.

Explication du biais, de la fausse impression

L'erreur commise ici est de confondre les deux probabilités: La première est une probabilité conditionnelle est vaut 1/2, tandis que la deuxième est une probabilité globale assez faible, environ 0,05% donc.
Cette erreur du parieur peut ici se résumer à l'erreur mathématique de confondre ces deux événements et leur probabilité: obtenir "encore" Pile après 10 fois d'affilé Pile est très rare, mais ce qui est peu probable n'est pas le "encore Pile" mais les "10 fois Pile d'affilé précédents".

Le dernier tirage de la pièce (comme tous les précédents d'ailleurs) est indépendant des autres. Cette notion d'indépendance est très importante pour le calcul et l'estimation de probabilités. Des événements aléatoires quelconques ne sont pas toujours indépendants. On détaille justement cette notion d'indépendance maintenant:

Principe d'indépendance des résultats aléatoires

En mathématique, on dit que deux événements aléatoires sont indépendants si la connaissance du résultat d'un des événements n'influe pas sur la probabilité de l'autre événement.
L'exemple typique est celui du Pile ou Face avec une pièce lancée deux fois: avoir obtenu Pile (par exemple) au premier lancer ne change en rien la probabilité d'obtenir Pile (ou Face) au deuxième.

Cet exemple est toujours cité en premier et reste souvent d'ailleurs le seul cité. Les événements indépendants n'existent pas que pour les pièces de monnaie ou la roulette. Prenons l'exemple suivant d'un jeu de cartes de 52 cartes et les trois événements: La probabilité de l'événement A est simplement, 4 as sur 52 cartes soit: P(A) = 4/52 = 1/13.
Maintenant si je tire une carte au hasard et que je sais avant de la regarder que l'événement B est réalisé, c'est-à-dire que je sais que c'est un pique, alors la probabilité est maintenant, 1 as sur 13 cartes à pique: P(A) = 1/13.
La probabilité n'a pas changé et ces deux évenements sont donc indépendants.
Par contre maintenant, si je tire une carte au hasard et que je sais avant de la retournée qu'il s'agit d'une figure, la probabilité que j'aie tiré un as est maintenant égale à 4 as sur 4×4 figures: P(A) = 4/16 = 1/4.
La probabilité est maintenant différente: les événements A et C ne sont pas indépendants, savoir si C est réalisé, ou non, change la probabilité de A d'arriver.
En résumé, même dans des jeux de pur hasard, des événements peuvent être indépendants ou non: le contexte (pièce ou roulette lancée plusieurs fois) ou un calcul de probabilité permet de le savoir rigoureusement. Les joueurs de Poker sont par exemple des habitués de ces calculs de probabilités, comme a pu le montrer l'exemple simple précédent.

A cette erreur de confondre éventuellement une probabilité absolue (obtenir Pile) d'une probabilité conditionnelle (obtenir Pile sachant que j'ai déjà obtenu 10 fois Pile juste avant), s'ajoute aussi souvent une mauvaise compréhension de la loi mathématique des grands nombres. C'est ce que nous allons voir.

Une utilisation erronée de la loi des grands nombres: explications

La loi des grands nombres nous dit que, lorsque plus le nombre de lancers de la pièce est grand, plus les probabilités d'obtenir Pile et celle d'obtenir Face se rapprochent de la probabilité 1/2. D'où le raisonnement suivant, par exemple si au bout 100 lancers j'ai déjà obtenu 60 fois le résultat Pile, donc 40 fois Face, alors j'en suis aux statistiques 60/100 = 0,6 de Pile et 40/100 = 0,4 de Face. Comme les deux "doivent s'équilibrer" vers 1/2, forcément, pour rattraper son retard, Pile doit "ralentir" un peu, et Face le contraire. Ainsi, pour ce faire, Face devrait rattraper son retard dans les prochains tirages.

Ce raisonnement est erroné et provient d'une mauvaise utilisation de la loi des grands nombres qui affirme "seulement" que les statistiques de Pile et Face vont tendre vers leur propbabilité, ici 1/2.
On peut par exemple imaginer qu'à partir des 100 tirages précédents, on tire après exactement autant de Pile et de Face (soit 50 chacun), pendant les 100 tirages suivants, amenant aux statistiques 110/200 = 0,55 de Pile et 90/200 = 0,45 de Face.
On s'est ainsi bien rapproché de 0,5 pour les deux résultats, sans que Face n'ait "rattrapé son retard".
On peut encore imaginer que sur les 1000 prochains tirages, après les 200 précédents, Pile continue d'"être avantagé" avec 510 tirages en sa faveurs. On arrive alors aux stats 620/1200 ≃ 0,51 de Pile et 580/1200 ≃ 0,49 de Face, et on s'est encore bel et bien rapproché des 0,5 pour les deux côtés.

Attention ainsi, dans les jeux de "hasard pur" les statistiques du passé n'ont pas leur mot à dire: on dit à ce titre, propriété mathématique de ces lois de probabilité, qu'il s'agit de "loi de probabilité sans mémoire".

Ce type d'erreur mathématique est maintenant bien connue, et désignée par the gambler's fallacy ou en français le sophisme du parieur (ou plus simplement l'erreur du parieur). Il s'agit maintenant d'un biais cognitif général assez bien connu qui s'ajoute à d'autres biais cognitifs mathématiques et qu'il faut bien sûr connaître et éviter.

Loi des petits nombres

Si la loi des grands nombres est bien une loi mathématique, prouvée mathématiquement, celle dite "des petits nombres" par contre désigne une croyance, un autre biais fallacieux de raisonnement.
Cette loi des petits nombres est l'idée, fausse, qu'un petit échantillon doit forcément être représentatif de la population plus large.
Par exemple, avec une pièce équilibrée un (petit) échantillon de 10 lancers devrait être représentatif.
Les psychologues Tversky et Kahneman ont mis en évidence cette erreur de raisonnement comme étant un biais cognitif, c'est-à-dire une certaine distorsion naturelle de notre capacité à raisonner correctement. Ils lui ont donné le nom d'"heuristique de représentativité": les gens évaluent la probabilité d'un événement en fonction de la similitude qu'ils y trouvent avec d'autres événements qu'ils ont vu et dont ils se souviennent, donc suivant la représentation qu'ils ont en. Comme notre capacité de mémoire est limitée, et que de toute façon nous n'avons vécu qu'un nombre limité, un petit nombre, de ces événements notre représentation est tout aussi limitée: notre prise de décision sur nos seules connaissances est forcément erronée, car très subjective.

A noter aussi que cette "loi des petits nombres" est aussi une loi, induisant aussi un biais cognitif de même nature. Le mathématicien R.K. Guy citait de façon humoristique que

"Il n'y a pas assez de petits nombres pour qu'ils satisfassent à toutes les exigences qu'on porte sur eux."

En d'autres termes, on peut être amenés à voir parfois des coïncidences entre des événements simplement parce que les petits nombres (ceux que nous, humains, utilisons facilement et couramment) sont peu nombreux et qu'ils sont ainsi forcément beaucoup utilisés.

Les mêmes psychologues que précédemment, Tversky et Kahneman, expliquent et résument ainsi à la fois l'erreur du parieur, l'erreur sur l'utilisation de la loi des grands nombres et celle des petits nombres,

" Les gens ont des intuitions erronées sur les lois du hasard. En particulier, ils considèrent un échantillon tiré aléatoirement dans une population comme fortement représentatif, c'est-à-dire semblable à la population dans toutes les caractéristiques essentielles."

Erreur du parieur: description et explication par les biais cognitifs

Biais cognitifs

Un biais cognitif est un mécanisme qui traduit une erreur de traitement logique, un mécanisme de pensée à l'origine d'une altération du jugement. Il en résulte une prise de décision faussée. Cette notion de biais cognitifs, étudiée dans le champ de la psychologie cognitive, peut &ecric;tre étudiée et exploitée spécifiquement dans différents domaines, celui des jeux de hasard et des paris sportifs notamment.
Ces biais résultent de nos capacités humainement limitées: Parmi les nombreux biais qui ont été découverts et étudiés, certains intéressent spécifiquement les parieurs:

Biais de résultat

Le biais de résultat est un biais cognitif qui traduit une erreur de traitement logique, une erreur mathématique. Il est essentiel pour un parieur sérieux de bien connaître et comprendre cette distorsion de la pensée logique à laquelle nous sommes tous confrontés, mais qui peut avoir des conséquences plus facheuses pour un parieur.
Ce biais de résultat est un biais cognitif qui nous pousse à juger la qualité de notre prise de décision en fonction seulement du résultat. Dit autrement, penser que notre décision (et le raisonnement, les calculs, ... qui y ont mené) est bonne et bien fondée parce que le résultat est celui qu'on en espérait.

On retrouve fréquemment ce biais chez les parieurs qui essaient de prédire des événements purement au hasard: comme ce n'est pas vraiment possible, un parieur peut avoir tendance à juger d'éléments en réalité indépendants comme des explications, par que cela a marché … une fois …

Ce biais alimente un autre biais, véritable erreur de parieur aussi: le biais d'illusion de contrôle.

Illusion de contrôle

Tout est dit dans son nom: l'illusion de contrôle décrit des situations dans lesquelles le parieur pense disposer d'un pouvoir de contrôle, ou au moins d'influence, sur des résultats aléatoires.
Dans une expérience menée en 1975 par un professeur de pyschologie à Harvard, les personnes qui avaient choisi elle-même le numéro de billet de loterie étaient plus confiante de leur victoire que les personnes auxqelles on avait donné un billet de loterie avec un numéro tiré au hasard.

Ce biais d'illusion de contrôle est d'ailleurs bien exploité par les entreprises de jeux de hasard qui demande au joueurs d'intervenir (comme dans le choix du numéro du billet dans l'expérience précédente), par exemple avec une manette à tirer dans les casinos, une case à gratter, le choix des numéros, le choix du ticket de grattage, … Acheter un ticket de loto généré au hasard attire moins, donne moins confiance, même si la probabilité de gagner est la même !
Autant d'éléments sur lesquels le joueur peut faire intervenir son biais de résultat et d'illusion de contrôle: j'ai abaissé doucement puis d'un coup la manette de la mchine à sous et j'ai gagné, donc le gain est le résultat de ma façon de faire, et je peux contrôler cette machine ainsi.

Comment éviter les erreurs du parieur ?

Un parieur sérieux, qui compte dégager des profits de ses paris, régulièrement et sur le long terme, doit connaître tous ces biais et les éviter. Comment faire ?
L'origine de ces biais cognitifs réside dans nos limites cognitives: on ne peut se souvenir de tout, faire un lien entre tous les événements, …
Les mathématiques, statistiques et probabilités, entrent alors clairement en jeux, pour surpasser nos capacités.

Des stratégies mathématiques de paris existent bel et bien, et sont efficaces, mais elles demandent de l'application et de la rigueur pour ne pas retomber dans le champ de nos propres biais.

On en revient (comme toujours) à la conclusion fondamentale:

Gagner aux paris sportifs ? un travail !

Être gagnant régulièrement et sur le long terme demande un investissement (dont celui d'avoir lu et réfléchi tout au long de cet article !):
Enfin, progresser dans ces connaissances permet d'éviter "naturellement" les biais ou erreurs des parieurs qui surviennent finalement lors de prises de décision non réfléchies, plainifiées et calculées.

Cet investissement est long est important et va se rentabiliser par des gains croissants: du temps investi contre des gains ? c'est ce qu'on appelle un travail.


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